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Dans la production de plus en plus pléthorique de l’art d’aujourd’hui, dans une mondialisation qui égare tous nos repères, il devient de plus en plus difficile de dénicher des valeurs nouvelles, encore inconnues, que peut apporter une œuvre avec une vision originale qui s’impose dans les propositions multiples qui s’offrent à nous, en peinture en particulier. Les vecteurs de la pensée et de la création artistique sont multi-vectoriels et en constante évolution. Certains courants nous parlent et nous touchent plus que d’autres évidemment.

Cette richesse inouïe de la création artistique contemporaine montre bien, en tous cas, que malgré les crises en tous genres qui secouent le monde d’aujourd’hui, l’art reste, ou plutôt s’affirme, comme une valeur essentielle au cœur de l’homme, même si trop de gens restent encore exclus de ces richesses, qui affirment de plus en plus leur impérieuse nécessité pour l’homme, contre vents et marées, balayant avec certitude les thèses des négativistes, qui ont claironné la mort de l’art pendant des décennies, n’ayant pas compris son essence profonde ancrée au cœur de l’être humain.

Ayant beaucoup écrit sur l’œuvre de Duchamp, ayant beaucoup discuté avec son ami Man Ray, que je rencontrais régulièrement à Montparnasse, j’ai été interpellé par l’œuvre de Christel Gutknecht lorsque je l’ai découverte par hasard dans un salon parisien. C’est une œuvre qui peut apparaître de prime abord tout simplement dans la lignée des mouvances abstraites, celle des grands fondateurs américains, et celle des européens, de Kandinsky en particulier, mais aussi Manessier et tous ceux qui comptent sur la scène artistique française de cette époque.

Mais si on s’attarde sur la très riche production de cette artiste, on prend conscience très vite que la fonction fondamentale de sa création est toute autre. Duchamp fut le premier à vouloir donner à la peinture une autre fonction que rétinienne et à chercher à entraîner le « regardeur » à agir, réagir et interagir devant une œuvre d’art, lui donnant ainsi de facto une autre fonction que celle des « tableaux » figés du passé.

Ainsi je me suis trouvé devant des peintures qui ne figuraient pas seulement des compositions abstraites en apparence, mais qui appelaient le principe actif des « Moving Pictures ». L’artiste est une lointaine descendante des « Action Painters » et des « Colour Field Painters », (Rothko en particulier), ayant construit par delà ces influences une œuvre d’une cohérence totale et profondément singulière.

Sa peinture peut être vue comme un champ vibratoire, centré sur les résonnances de l’être humain avec son environnement qui attire selon un principe actif/réactif le spectateur dans ses rets. Des figures humaines en filigrane sont en immersion profonde et appellent l’âme et le corps de ceux qui s’y aventurent comme le prônait déjà Kandinsky, par le canal psychique et une transmission physique des énergies. Ce principe actif agit à partir d’une trame fortement énergisante, composée de couleurs savamment agencées, qui nous pénètrent chacune, avec sa force, ses valeurs, son pouvoir d’attraction; elles sont en totale mouvance pour agir avec une plus grande motricité. Elles sont en interactions perpétuelles, se démultipliant et l’intervention du « regardeur » ne fait qu’intensifier l’effet produit, la magie agissante.

Les couleurs du prisme solaire sont les éléments basiques du phénomène. Les énergies multiples qu’elles dégagent, les formes mouvantes qui induisent et intensifient les infinies vibrations sont les sources de ce pouvoir de pénétration physico-psychique. La lumière de ces impulsions fascinatoires exerce un effet hypnotique. Chacune des couleurs joue son rôle. Le jaune rayonne avec une induction solaire. Le bleu cosmique est une force de propulsion vers le spatial, c’est-à-dire au-delà du tangible. Les rouges, souvent généreux, sont des sources d’énergies à propulsions multiples; le vert calme les ardeurs et prend une orientation plus méditative. Les violets aux tonalités diverses ont une fonction toute autre, et nous induisent vers des zones de l’insolite, de l’inexploré en nous.

Cette peinture fondamentalement dynamique nous propulse vers une élévation mentale, physique et spirituelle; nous allège, nous redynamise, nous fait tendre vers cet élan cosmique inouï. La montagnarde qu’est l’artiste, voit même dans ce principe physique une possible sortie du corps, en poussant les choses à l’extrême, selon le principe de ce que l’on peut ressentir en s’élevant dans les sphères les plus hautes de la montagne. L’être humain se trouve alors en résonnance avec des forces supérieures, décuplant ses pouvoirs intérieurs, découvrant des sensations tout à fait nouvelles, le cerveau ouvert sur des horizons inexplorés qu’il peut alors capter.

C’est une exploration des pouvoirs infiniment démultipliés de l’homme, dans un espace plus large, plus pur, dégagé des pollutions quotidiennes dont il faut s’affranchir.

S’ouvre alors logiquement la nécessité de retrouver la Vérité, et une autre manière de voir le monde comme le prône Michel Foucault.

La conscience et l’esprit formaté de l’homme d’aujourd’hui, avec le cynisme qui en est le corollaire, s’effacent alors pour que l’on retrouve la vraie vie.

Nous sommes donc en présence d’une œuvre qui donne une fonction efficiente à l’Art, à une époque où nos contemporains naviguent de plus en plus dans des errements dévastateurs, et cherche à s’ouvrir sur des horizons nouveaux et de nouveaux possibles. Elle s’appuie pour être plus efficiente sur des données scientifiques, à la pointe des découvertes les plus innovantes.

Bien évidemment, pour tenir ces objectifs, cette peinture doit avoir toutes les vertus au plan pictural, et les multiples harmonies qui s’en dégagent impliquent un professionnalisme sans faille.

Cette œuvre de haut niveau sur ce plan est donc de celles qu’il faut découvrir dans le grand labyrinthe de la création contemporaine pour toutes les raisons que nous venons de voir et qui en font sa singularité remarquable.

Lois LEVANIER

Critique d’art

2016

 

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